La lente conquête de soi 

A la découverte de l'oeuvre de la Finlandaise Krista Autio 

D'une toile remarquée à ArtBrussels, on passe à une première exposition en solo en galerie bruxelloise. La jeune artiste finlandaise n'en est cependant pas à son coup d'essai puisqu'elle expose régulièrement depuis dix ans, a glané quelques prix tant en son pays d'origine qu'en Espagne, où elle est notamment passée par l'atelier de Pijuan, l'un des meilleurs peintres espagnols qui soient. 

Krista Autio (Finlande, 1968) est peintre dans l'âme. Il suffit de voir comment la couleur est, dans son travail, un élément primordial. Celui qui apporte toute la sensualité, celui par lequel passent les sensations premières qui lentement imprègnent le regard pour le conduire dans les profondeurs, celui qui donne aux toiles ou aux oeuvres sur papier ce qui semble échapper à la part graphique par laquelle s'établit l'amorce du dialogue.En ses tableaux, les surfaces sont saturées d'une teinte monochrome qui, à part le noir dense, se distingue par les nuances, notamment du vert et du rouge, qui aspirent, qui conduisent à l'introspection et concourent ainsi à l'ambiance confirmée par les interventions écrites ou dessinées. 

Cette peinture qui s'impose aussi par un aspect très accompli trouve néanmoins son origine dans les émotions et apparemment dans les inhibitions, dans les non-dits que certains dessins beaucoup plus jetés, plus spontanés révèlent partiellement. Et l'oeuvre en son entier apparaît surtout comme un autoportrait qui se révèle très progressivement en se libérant.De toute évidence, le sujet unique est la féminité, le rapport à soi et à la corporalité. L'approche est distance, presque sévère dans les peintures où le corps est totalement absent. Il est suggéré par des vêtements en attente d'être portés mais déjà tout imprégnés du désir de séduire, comme en témoignent les bijoux ou les mots tracés de façon bien affirmée, ouvertures au désir. Mais le corps reste fantôme. Parfois un animal tient lieu de sujet. Pudeur, timidité, malaise, mal-être, doutes?On passera par le dessin pour voir apparaître des visages tracés nerveusement et sans aucune complaisance, pour voir des corps tendus et des balafres chromatiques généralement d'un rouge vif, d'un rouge sang ou passion. L'audace en une fois sans regret possible, comme on se jette à l'eau. Une belle peinture, fragile et fébrile. 

Claude Lorent